Les JO 1972 de Munich vus par France Gaud
Née en 1947 à Annecy (Haute Savoie), France Gaud est issue d’une famille très sportive en ski et montagne. Dès son plus jeune âge , elle a pratiqué les sports de plein air très régulièrement en montagne ou sur le lac. Admise à l’École Normale Supérieure d’Éducation Physique et Sportive à Paris, on lui a proposé la pratique du kayak à l’Institut National des Sports à Nogent. C’est là que Jo Dransart, directeur technique national de la FFCK (Fédération Française de Canoë-Kayak), l’a repérée et, avec lui, elle s’est mise à la compétition de descente en canoë biplace mixte ; ils ont été médaillés à deux championnats du monde. La perspective olympique l’a orientée ensuite vers la course en ligne en K1 dame. Elle été demi-finaliste olympique et mondiale puis 6e en finale aux championnats du monde de Mexico en 1974.
L’AVENTURE OLYMPIQUE – PRÉMICES ET RÉVÉLATION
Résumons mon parcours. En 1972, j’intègre l’équipe de France olympique de course en ligne lors de la régate internationale de Paris organisée à Choisy le Roi au mois de juin après une préparation spécifique très personnelle d’une année. C’était pour moi l’objectif de cette préparation. Ce fut une joie immense.
Comment est-ce arrivé ? J’appartenais depuis 3 ans à l’équipe de France de descente de rivière en canoë biplace avec Georges Dransart. De retour des championnats du monde de Merano en juin 1971, nous décidons malgré deux médailles mondiales de suspendre notre équipage. En 1972, il n’y avait pas d’objectif mondial en vue alors que c’était une année olympique en course en ligne. J’ai donc décidé de m’essayer en K1 dames lors des championnats de France 1971 à Dijon. J’y figure honorablement en finale malgré un bateau stable et un peu moins rapide que d’autres.
Dès septembre 1971, ayant accès à la base nautique de l’Institut Nautique des Sports (INS) à Nogent, je m’entraînais avec Anne-Marie Masson (licenciée à Decize), une des meilleures kayakistes françaises, écartée de la préparation olympique. Nous étions toutes les deux professeurs d’éducation physique en activité à plein temps et nous jonglions avec nos emplois du temps pour nous entraîner sur la Marne. Moi, j’habitais à proximité de la Marne et faisais un à deux entraînements quotidiens ; ce qui n’était pas possible pour Anne-Marie. À Noël, nous nous entraînons en ski de fond pendant 15 jours chez moi au Grand Bornand. Pour me préparer, j’avais adapté tout ce que j’avais appris avec Jo Dransart pour notre préparation en C2 descente.
Je progressais bien et, souvent, j’étais souvent une pointe de bateau devant elle en début de saison, au printemps 1972. Nous envisagions alors de courir en K1 et K2 dames. Ce qui fut fait début juin aux Régates internationales de Paris (bassin de Choisy-le-Roi / Val de Marne). Quelques jours plus tard, j’apprenais par le journal l’Équipe que j’étais sélectionnée en K1. Grande joie pour moi bien sûr mais grosse déception pour Anne-Marie qui arrêtera définitivement la compétition sur ce coup dur.
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NDLR : on pourra lire dans la revue La Rivière de juin 1972 : « …tous les Français engagés à Choisy ont attestés de réels progrès. Il faut citer tout particulièrement France Gaud qui se classe 6e dans une belle finale K1D à 8″ de la russe Yuliya Ryabchinskaya… ». Dans le sillage de sa glorieuse coéquipière Lyudmila Pinayeva, la russe dominatrice toute la saison remportera le titre olympique à Munich. Bon présage avant les Jeux. Cette performance vaudra à F. Gaud une sélection tardive mais méritée. On y lira aussi « Le Secrétariat d’Etat aux sports accordera des crédits supplémentaires… ». Cela faisait trois olympiades qu’aucune Française ne s’était qualifiée à ce niveau…
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LA PRÉPARATION DES JEUX
À partir de ce moment-là, je me vois intégrée pleinement au collectif de 5 garçons déjà pressentis depuis 1971 et participe avec eux à la suite de la saison internationale. Ce groupe était composé du K2H Cordebois-Niquet, du C2H Acart-Delacroix et du C1H Millot. Ma première régate internationale à l’étranger se déroulera en juillet 1972 à Copenhague (Danemark). Je constate alors que le milieu de la course en ligne est bien différent de l’ambiance bon enfant de la descente de rivière. Les équipes nationales, notamment celles des pays de l’Est sont nombreuses, très disciplinées et professionnelles.
En août 72, nous préparerons les Jeux à Mâcon. Nous garderons un excellent souvenir de ce stage terminal où nous serons logés dans une ferme-auberge des environs de Verchizeuil en Saône-et-Loire près de Mâcon. Le CREPS de Mâcon, lui, était fermé pour cause de vacances… Nous fûmes choyés par le patron qui nous offrait une alimentation « bio » mais pas toujours très diététique… Ce qui explique certainement que certains entraînements sur la Saône proposés par l’entraîneur national Jean-Claude Le Bihan furent difficiles à supporter sous un soleil de plomb.
LES JEUX DE MUNICH
Partir pour Munich, pourtant si proche de la France, c’était un peu une aventure car, pour moi, c’était mon premier vol en avion et aussi mes premiers Jeux olympiques. L’apothéose d’une carrière…
Je garde un souvenir émerveillé de ces Jeux malgré le drame terroriste qui a endeuillé l’événement. Drame que j’évoque dans un autre témoignage. NDLR : se référer au Bulletin de l’Amicale des Internationaux Français de Canoë-Kayak (AIFCK) dont France Gaud est la présidente. Il s’agit du Bulletin numéro 80 d’octobre 2020, pages 9 à 14.
Souvenir émerveillé car j’avais atteint l’objectif que je m’étais fixé : participer aux Jeux mais surtout réussir mes courses et accéder à une demi-finale olympique. Peu expérimentée, j’ai réussi à progresser de course en course. Une place en finale en course en ligne était alors prématurée pour moi. Je ne l’atteindrai que 2 ans plus tard avec une 6e place aux championnats du monde de Mexico en 1974.
Souvenir émerveillé car ces Jeux en terre allemande furent grandioses, un peu aussi pour faire oublier les Jeux de 1936 organisés à Berlin et marqués par le Nazisme.
Un bon souvenir aussi car ma sélection était un engagement fort de la fédération pour reprendre en compte l’ambition des féminines de performer en course en ligne. Cela faisait 12 ans qu’aucune femme n’avait été sélectionnée. Objectif triplement honoré puisqu’aux Jeux suivants (Montréal, Moscou, Los Angeles, Séoul…), la fédération et le Comité olympique engageront un K1, un K2 puis, plus tard, un K4 dames. Sans parler des canoéistes dames qui depuis peu ont également leur chance. Les paracanoéistes dames aussi. La cause féminine dans notre sport comme ailleurs progresse et j’en suis très heureuse.
FIN DE CE BEAU RÊVE OLYMPIQUE ET RETOUR AU RÉEL
La réussite en course en ligne requiert un volume d’entraînement important et une disponibilité totale des athlètes. À cette époque, dans notre sport, il n’existait pas encore de dispositifs permettant d’aménager son emploi du temps professionnel et de disposer d’aides financières suffisantes. Donc, le lendemain de mon retour de Munich, la rentrée scolaire m’attendait.
France Gaud (janvier 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard
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