Les JO de Barcelone 1992 vus par Sébastien Mayer, 11e en K4H

Sébastien Mayer

Sébastien Mayer est né en 1970 à Mulhouse. Il découvre le canoë-kayak de course en ligne avec son père Albert qui a participé aux JO de Mexico en 1968. Il commence le canoë-kayak à l’âge de 10 ans et participe à ses premiers championnats de France à 13 ans en minime. Les premiers succès aidant, il se sélectionne aux championnats du monde junior en 1987 où il finit 8e en K4 1 000 m. Premiers championnats du monde sénior en 1990 à Poznan, demi-finaliste en 1991 à Vaires-sur-M arne en K1 500m et sélectionné en 1992 pour les JO de Barcelone en K4 1 000 m. Il dispute plusieurs championnats du monde en 1994 (demi-finaliste en K1 500 m), 1995 (finaliste en K1 500 m), 1997 (finaliste en K4 1 000 m) 1998, et 1999. Fin de la carrière internationale en 2004 aux championnats d’Europe de Poznan (la boucle est bouclée).

 

 

 

Le témoignage que je fais, est vraiment personnel, vu avec les yeux d’un jeune compétiteur de 21/22ans. J’ai retenu plusieurs étapes qui m’ont marqué lors de ces 10 mois entre octobre 1991 et début août 1992 à Barcelone.

 

La constitution de notre équipage

La première étape fut octobre 91 lorsque notre bateau, le K4 1 000 m, fut constitué.

J’ai ressenti une grande joie à ce moment-là ainsi qu’une grosse pression : j’allais faire partie d’un équipage qui irait représenter la France aux JO.

Je me souviendrai toujours de ce premier stage dans la grisaille de Vaires-sur-Marne où nous avions fait nos premiers entraînements ensemble après nous être interrogés sur les places de chacun dans l’embarcation.

Nous nous étions mis rapidement d’accord : ‘’Lulu’’ (Pierre Lubac) en 1, son expérience de 1988 nous aidera à gérer les courses, ‘’Jean-Fran’’ (Jean-François Briand) en 3 pour sa maturité, en 4 ‘’yes but’’ (Patrick Lancereau) car nous savions que lorsqu’il était dans un équipage, le bateau ne bougeait pas, et moi, le petit jeune du bateau en place n°2 pour canaliser ma jeunesse et apprendre.

Lors de ce stage, nous avions aussi planifié toute la saison qui s’annonçait longue et fournie. La tâche allait être rude puisque nous devions encore qualifier le bateau en participant à toutes les finales de 4 coupes du monde (Belgique/Hongrie/France et Allemagne) pour aller aux JO.

Pour préparer ces échéances, nous avions planifié avec notre entraîneur (Jean-Paul Hanquier) une multitude de regroupements afin de naviguer le plus souvent ensemble. Nous avions décidé de nous retrouver au moins une fois par mois (stage de PPG à la montagne ou à l’étranger l’hiver pour chercher de la douceur).

Tous ces stages et ces déplacements, partagés avec le reste de l’équipe olympique, furent extraordinaires et un vrai apprentissage. C’est aussi la naissance d’une grande amitié. J’avais plaisir à retrouver toute cette grande équipe.

 

Les courses de qualification aux JO

Après ces mois de préparation, la deuxième étape commença en mai avec le début des courses de qualification et un stress qui montait puisque nous n’avions pas le droit à l’erreur. Nous voulions commencer l’année dans de bonnes conditions.

La première étape de cette période fut la compétition de Malines (Belgique) avec deux finales (1 000 m et 500 m).

La deuxième compétition se passait à Szeged (Hongrie), la Mecque de la course en ligne. Un grand nombre de nations avait inscrit deux, voire trois, bateaux par distance afin de faire leur propre sélection. Nous avons également passé cette étape avec succès.

Notre troisième course se déroulait à domicile (Vaires-sur-Marne), devant nos supporters et nos proches. Cette compétition n’a pas eu de grands enjeux puisqu’il n’y avait pas trop d’inscrits ; du coup nous étions directement en finale sur les deux distances. Nous l’avons tout de même prise au sérieux afin de préparer au mieux notre dernière course de qualification qui se déroulait une semaine plus tard, ce qui nous a permis de remporter les deux distances.

La dernière étape de notre course à la qualification s’est déroulée à Duisburg (Allemagne). Il fallait absolument finir en beauté pour participer aux JO de Barcelone. Ce week-end avait une atmosphère spéciale, tous les autres bateaux de l’équipe olympique étaient qualifiés, il ne manquait plus que nous. Je me souviens que tout le monde était derrière nous et nous soutenait. Cette compétition a été un loupé sur le 1 000 m, mais nous avons fait une course grandiose sur le 500 m qui nous a permis de monter sur la troisième marche du podium.

À l’issue de cette compétition, notre sélection nous a été confirmée pour notre plus grand soulagement !

L’équipage du K4 à terre : JF. Briand, Sébastien Mayer, Patrick Lancereau, Pierre Lubac. — Photo FFCK M.Chapuis

 

Préparation finale pour les courses de Jeux de Barcelone

La troisième étape pouvait enfin commencer. C’est-à-dire la préparation pour l’épreuve ultime qui nous avait nourris tout au long de l’année.

Les Jeux de Barcelone avec un objectif de finaliste.

Dès le début de juillet, nous avions pris nos quartiers sur la base nautique de Temple-sur-Lot que nous avions quittée mi-juillet pour participer aux championnats de France, mais sans grande conviction. Nos pensées étaient déjà tournées vers Barcelone.

Cette préparation s’est déroulée dans une atmosphère détendue sans oublier le travail et notre envie de performer début août.

Le soir de la cérémonie d’ouverture, le staff et les responsables de la base de Temple nous ont organisé notre cérémonie pour nous faire sentir la ferveur de l’évènement.

 

Dernière étape : les courses des Jeux olympiques

Enfin la dernière étape de cette année magnifique.

Départ pour Barcelone et le village olympique. Vol Agen/Barcelone dans un petit avion partagé avec les Norvégiens et les Canadiens.

L’arrivée au village et cette organisation furent impressionnantes, à en faire perdre la tête pour un petit jeunot comme moi.

Heureusement j’ai pu compter sur l’expérience des anciens (Boc, Bidou, Didier, Dedette, Tatal et bien sûr dans notre embarcation, Lulu).

Lors de notre séjour au village nous avons croisé de nombreuses personnalités du monde sportif, français (Marie-José Pérec) et étranger (la Dream Team du basket américain).

Nous n’avions qu’une seule envie, découvrir le site de course qui était à 30’ en bus du village (Casteldefels).

La particularité de ce bassin est qu’il ressemblait à une grande piscine de 1 250 m de long sur 150 m de large et le départ du 1 000 m se trouvait juste à 50 m de l’extrémité du bassin.

Comme il n’y avait pas de bassin d’échauffement nous avions travaillé un protocole de préparation basé sur une séance sur l’eau puis une coupure de 45’ avec un entretien sur machine à pagayer avant de se rendre au départ par vagues de deux ou trois courses.

Lors de notre premier entraînement sur le bassin nous sentions que celui-ci était rapide (eau à 30°) et que des chronos tomberaient.

Le jour de notre série, nous étions tous les quatre très concentrés sur l’objectif et les consignes que nous avions répétées des centaines de fois à l’entraînement. La course fut excellente avec un chrono plus rapide que d’habitude. Nous étions sélectionnés pour les demi-finales.

Dans l’après-midi des séries, la liste des demi-finales était sortie et les cartes étaient redistribuées. De gros morceaux nous attendaient (Hongrie/Allemagne/Russie équipe unifiée/Bulgarie), les deux premiers intouchables et les deux autres jamais battus. Il nous restait quand même une petite chance puisque pour se qualifier en finale, il fallait rentrer dans les quatre premiers ou avoir le 5e meilleur temps des deux demi-finales.

Même si le défi était grand, le jour J nous sommes arrivés sur le site de course avec une énorme envie de bien faire et de repartir sans regret. Comme nous l’avions prédit, Allemands et Hongrois faisaient la course en tête sans être inquiétés.

Un cran derrière, nous et trois autres bateaux. Il fallait se débarrasser de deux embarcations avant la fin. La course était intense, sans aucun relâchement jusqu’au bout. Nous avons sorti la course de l’année en battant pour la deuxième fois notre chrono de référence. À l’issue de la course, le résultat n’a pas été en notre faveur : nous finissons 6e, derrière les Bulgares. Le plus rageant c’est que nous étions dans les temps du deuxième bateau de l’autre demi-finale. Fin de la compétition pour nous le K4 1 000 m !!!

D’autres bateaux français étaient engagés en finale et nous étions là pour les encourager et surtout féliciter Olivier Boivin et Didier Hoyer) pour leur médaille de bronze en C2 1 000 m

 

Cette aventure s’est finie avec la cérémonie de clôture dans le stade et toutes les délégations, la grande soirée organisée pour les sportifs au village olympique.

 

Fin des jeux ! Tout le monde rentre à la maison.

 

Sébastien Mayer (Février 2024)

Témoignage recueilli par Sylvaine Deltour

 

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