Les Jeux olympiques de Tokyo 2021 vus par Marjorie Delassus

Marjorie Delassus est née en 1998. Elle débute le canoë-kayak au club de La Plagne à l’âge de 8 ans. La famille quitte la Savoie pour Pau en 2014 afin de rejoindre le pôle espoir puis France. Aînée d’une fratrie de 4 kayakistes, Marjorie navigue dans les deux catégories : canoë et kayak. En 2016 elle obtient sa première sélection tricolore dans les deux embarcations. En 2019 elle gagne le titre de championne d’Europe des moins de 23 ans. 

Finaliste des Jeux olympiques de Tokyo, elle réalise une très belle 4e place en canoë, catégorie qui faisait son entrée au programme olympique.

Elle s’installe ensuite rapidement à Vaires-sur-Marne afin de se préparer au mieux sur le bassin olympique de slalom pour lesquels elle est à nouveau sélectionnée pour 2024.

 

Une olympiade sous le signe du masque… (pandémie Covid-19)

De nombreuses anecdotes à raconter durant notre séjour d’un mois (confinés !!) au Japon.

Marjorie avec masque au bord du bassin. — Coll M. Delassus

La vie confinée dans l’hôtel  à Tokyo

Nous étions tout d’abord dans un hôtel proche du bassin en chambres individuelles. Après avoir essayé de nous regrouper en cachette et s’être prit des réprimandes par des gardes de sécurité japonais, il m’a fallu trouver de quoi occuper mon temps en dehors des entraînements. J’ai ainsi pu en grande partie, me consacrer à mon mémoire final de kiné (bien que ça ne soit pas le plus rigolo à faire).

Marjorie sur son lit. — Coll M. Delassus

Le village olympique

La découverte du village fut pour moi un moment fort, dans lequel je me suis sentie pour la première fois appartenir à cette « grande famille » de l’équipe de France olympique.  Puisque nous étions confinés, la routine était de faire 50 fois par jour le tour du village en footing, en explorant le moindre recoin, à la recherche d’un éventuel segment Strava (avec Pierre Bourliaud le kiné et Benoit Peschier, l’entraîneur de Boris). Pour ma part, j’ai pu collectionner un maximum de pins des autres pays !!

Dans l’ascenseur Marjorie et Martin Thomas. — Coll M. Delassus

La cérémonie d’ouverture

La cérémonie d’ouverture a été un moment riche en émotions, grandiose. Je me souviens particulièrement du moment où nous (la délégation française) sommes entrés dans le stade, en chantant la Marseillaise après le salto arrière de notre porte drapeau français : le gymnaste Samir Ait-Saïd…

Marjorie entourée des deux porte-drapeaux : Samir Aït Saïd  (gymnastique) et Clarisse Agbegnenou (judo). — Coll M. Delassus

L’entraînement sur le bassin

Le bassin : c’était une première pour moi sur ce site olympique de Tokyo puisque je n’avais pas couru le Test Event en 2019. J’ai appris à connaître ce bassin assez particulier, j’ai appris à l’aimer aussi ! Comme chaque bassin il a ses spécificités, celui-ci était plutôt assez rapide avec pas mal de dénivelé sur le haut, et aussi assez instable avec de nombreuses zones de « bulles » et de « marmites » qui demandaient de redoubler d’efforts sur la tenue et l’équilibre du bateau. Il y avait aussi beaucoup de rouleaux orientés dans un sens ou dans l’autre comme « de travers » qu’il a fallu apprendre à utiliser au mieux. Cette configuration changeait pas mal de l’ordinaire pour moi, et permettait de mettre en place des figures intéressantes dans l’utilisation des mouvements d’eau, les changements de trajectoire, les flotting et les inversions par exemple.

Ma honte du séjour : pendant une séance de loops la semaine précédant le début des courses j’ai «nagé» dans le bassin en cassant ma pagaie. J’étais à bout de souffle/force/en surchauffe à cause de la chaleur et je n’ai pas réussi à esquimauter avec les mains. Après plusieurs essais j’ai fini par tirer sur la jupette pour finir le bassin à la nage sous le regard de l’équipe slovène…

Marjorie à l’entraînement. — Coll M. Delassus

Un supporter de choix !

Autre moment marquant pour moi, l’arrivée de mon frère sur le site olympique. À la suite de ses résultats chez les juniors (U18) il avait été choisi avec d’autres athlètes pour faire la démonstration du parcours. Dans ce contexte où il n’y avait pas de spectateurs ça a été un gros + pour moi. C’est une personne ressource, mentalement (j’ai pu lui partager mes joies et lui confier mes doutes) mais aussi physiquement puisqu’il est venu au Japon avec des provisions (2kg) de Beaufort dans son sac… il ne faut pas oublier d’où l’on vient !! Bourg-Saint-Maurice 🙂

Anatole avec le ravitaillent rapporté de Savoie. — Coll M. Delassus

Un partenaire d’entraînement complice

Martin Thomas a été mon partenaire d’entraînement et un peu mon grand frère sur toute cette année 2021 !! J’ai partagé un grand nombre de séances avec lui, un modèle en termes de navigation, et d’habiletés techniques. Je me souviens l’observer avec attention afin d’essayer de l’imiter, il m’a énormément apporté, toujours avec bienveillance sur l’eau et en dehors ! Merci Martin pour ces moments partagés et pour tous tes conseils.

Marjorie avec Martin à l’entraînement. — Coll M. Delassus

Le déroulement de mes courses

Le tracé (comme tous les tracés) était assez exigeant mais plutôt agréable à naviguer car avec les mouvements d’eau.
La journée de qualifs a été très éprouvante, je me qualifie tout juste avec des difficultés sur le parcours.
Puis la journée de finale : des émotions ++ !

Une journée un petit peu « hors du temps », grosse performance pour moi de terminer 4e de mes premiers Jeux olympiques, peut-être même au-delà des mes attentes. Vivre le « kiss and cry » des Jeux, et être sur le podium provisoire jusqu’au dernier bateau de la catégorie (et pas des moindres, puisque c’était Jessica Fox qui deviendra championne olympique !) C’était incroyable.

Marjorie au départ de la finale. — FFCK Vekassy

La fin des Jeux

Après une fin de journée/nuit dans une euphorie totale, est venue s’ajouter ma dernière surprise du séjour. La règle du comité olympique en raison des contraintes sanitaires était de devoir quitter le Japon dans les 24h suivant la fin de sa dernière épreuve. Le DTN (Ludovic Royé) est alors venu m’annoncer que mon départ avait pu être modifié au sur-lendemain, et j’ai ainsi pu rester pour supporter Boris.

Vivre une finale olympique du bord et donner de la voix pour mes camarades de l’équipe restera aussi l’un de mes souvenirs sportifs le plus fort.

Boris lors de la finale. — FFCK Vekassy

Le retour en France

Je n’ai pas assisté à la cérémonie de clôture ni ne l’ai suivi à la télé, j’ai surtout profité de mes proches à mon retour des Jeux, et suis partie en camping/randonnée en montagne pendant une semaine (j’étais donc un peu coupée du monde et de toutes les chaînes télé, médias ou réseaux sociaux ;).

Une réflexion à postériori sur le rôle des entraîneurs 

Mon parcours avec mes entraîneurs a beaucoup évolué au cours des années précédant les Jeux. J’ai longtemps fonctionné avec Vincent Redon, notamment au Pôle France de Toulouse, et avec qui j’ai partagé de beaux moments de ma jeune carrière, et notamment ma première médaille internationale aux championnats d’Europe U23 à Mikulas en 2019. À la suite de cela, j’ai été accompagnée par Arnaud Brogniart sur le Pôle France de Vaires, avec qui j’ai décroché mon ticket pour représenter la France à Tokyo, contre toutes attentes puisque je faisais un peu partie des «outsiders» de la catégorie.

Marjorie et son entraîneur Yann Le Pennec en retour visio. — Coll M. Delassus

Enfin, et parmi les entraîneurs qui avaient une accréditation olympique, j’ai choisi de travailler avec Yann Le Pennec fin 2020. J’ai ainsi rejoint le « groupe d’entraînement canoë » aux côtés de Martin, ce qui m’a vraiment tirée vers le haut. Nous avons donc commencé à construire petit à petit cette relation entraîneur/athlète avec Yann dès janvier 2021. Je me souviens d’un stage à la Réunion où il m’accompagnait même sur mes séances de fractionné en course à pied (pas toujours une partie de plaisir, mais de bons moments partagés J).

Je pense lui en avoir parfois fait voir des vertes et des pas mûres… En tant que bonne cadette, je me rappelle le stress que je lui ai fait vivre lorsque mon bateau n’était pas aux normes la veille du début de la compétition. Et en tant que bon entraîneur, je me rappelle son dévouement pour faire du mastic de dernière minute sur ma pointe arrière en plein soleil alors qu’il faisait 40 degrés (il me maudirait en lisant ces lignes !).

Yann a été très investi auprès de moi tout au long de cette préparation, et je suis très fière et heureuse de dire que nous sommes allés chercher cette belle performance et 4e place ensemble ! Un très beau souvenir de cette collaboration qui restera pour moi cette journée de finale riche en émotions pour nous deux.

La journée se termina d’ailleurs en trinquant autour d’une bière bien méritée (mais surtout interdite dans l’enceinte du village olympique !) sur notre balcon du bâtiment France devant un superbe coucher de soleil sur la baie de Tokyo. Merci Yann pour tout ce que tu m’as apporté durant cette année, sportivement et en dehors.

Coucher de soleil. — Coll M. Delassus

Et en bilan

Une aventure unique, une expérience extraordinaire, j’ai hâte de découvrir tout ce qui m’attend pour cette année 2024 à Paris !

 

Marjorie Delassus mars 2024

Témoignage recueilli par Sylvaine Deltour

 

Les témoignages n’engagent que leurs auteurs

 

Revenir aux témoignages