Les JO de Pékin vus par Mathieu Goubel

Mathieu lors des JO. — Photo FFCK A. Brogniart

Mathieu Goubel est né en 1980. Il fait ses débuts en canoë à l’âge de 10 ans au club de Boulogne-sur-Mer sous la houlette de Jean-Paul Gars et de toute l’équipe de cadres de l’époque. Il débute sa carrière internationale à 17 ans et devient champion d’Europe des moins de 23 ans à 20 ans en C1 1 000 m sur son bassin de Boulogne-sur-Mer. Il décroche une médaille de bronze lors des championnats du monde en 1999 en C4 puis 3 médailles aux mondiaux de 2009 dont l’argent en C1H 1 000 m.

Il participe à deux éditions des Jeux olympiques (Pékin 2008, Londres 2012). Il réalise quatre finales lors de ces deux JO dont une très belle 4e place en Chine.

Bien connu sous le surnom de «Frisor», il met fin de sa carrière sportive en 2017 à 37 ans après 20 années passées en équipe de France de course en ligne et se consacre maintenant à son métier de CTR (Conseiller Technique Régional) en canoë-kayak dans les Hauts-de-France.

 

La sélection pour Pékin

En mai 2008, au championnat d’Europe, à Milan, je gagne mon quota olympique avec un titre de champion d’Europe sur le C1 1 000 m. Ce championnat servait de rattrapage pour distribuer les dernières places. C’était mon premier vrai résultat depuis le C4 (à Milan en 1999) chez les grands. Ce titre était le résultat de nombreuses années de travail et l’opportunité de le faire fructifier aux JO.

 

La préparation des JO

Pour la préparation terminale, nous sommes allés nous affûter au Japon sur le site de Komatsu du 2 au 15 août. (Ce site avait accueilli des championnats du monde junior). Le but était d’être dans des conditions climatiques proches que celles de la Chine et d’être dans le bon fuseau horaire pour s’adapter au décalage.

Nous avions un bon groupe d’entraînement avec le C2 homme et le K2 dame. De plus, lors des séances en monoplace, je me suis entraîné avec l’Américaine Carrie Johnson. Pour finir ce stage en transition avant d’arriver sur le site olympique, nous avons passé une journée de détente à Tokyo. Cette immersion dans le monde japonais et les bonnes conditions d’entraînement m’ont permis d’arriver à Pékin en forme et plein d’énergie pour les courses.

Mathieu Goubel à l’entraînement au Japon. — Coll M. Goubel

 

Les courses des JO de Pékin

Mon état d’esprit était clair pour ces premiers JO. Cela reste des courses de canoë avec un beau décor autour. Sur le site nous étions dans un complexe hôtelier qui servait de village annexe pour nos épreuves qui se déroulaient un peu à l’écart du reste.

Mon parcours des courses s’est déroulé comme on avait prévu avec mon coach pour arriver jusqu’aux finales : un souvenir qui m’a marqué, c’était la demi du C1 1 000 m. Comme souvent, c’était le passage à risque. Beaucoup de «gros» noms sur la liste de départ. Il y avait notamment une de mes idoles l’Allemand Andréas Dittmer. Durant la course, j’arrive vraiment à me détacher de mes adversaires avec une belle avance. J’ai encore cette vision où je suis devant avec des gaz sous le coude, lucide et prêt à contrer n’importe quelle attaque de mes adversaires dans les 250 derniers mètres. Le bassin était lisse, le temps un peu pluvieux et un décor de bassin olympique magique.

Je termine 1er de cette demi-finale.

Mathieu Goubel  en demi-finale du 1 000 m. — Photo FFCK R. Thiebaut

Sur la finale, j’ai été surpris d’être sur les devants en début de course, car on avait prévu de faire une course au contact. J’ai eu un petit doute à ce moment-là mais j’étais bien. À mi-course, cela s’est emballé : Vadim Menkov (que je ne voyais pas), Attila Vajda et David Cal ont pris les devants. Je n’ai pas réussi à suivre ce rythme et termine 7e.

Pour le 500 m, en finale je suis à l’extérieur, au couloir 8. Loin du combat lancé par le Biélorusse. J’ai réalisé ma course sur le plan prévu. Je vois que c’est la guerre à gauche sans savoir à quelle place je suis. Quand je passe la ligne, j’étais complètement KO. On m’a appelé à la pesée et annoncé 3e en attente de la photo finish. Après un petit moment, le résultat officiel est tombé et je suis annoncé 4e.

Mathieu Goubel en finale du C1 500 m. — Photo FFCK R.Thiebaut

 

Des anecdotes marquantes après les courses

Dans les anecdotes marquantes, juste avant la course des filles Anne-Laure et Marie, j’ai réussi à chaparder un vélo et me faufiler sur le chemin des entraîneurs le long du bassin. Du coup, j’ai pu assister en direct à leur course durant laquelle elles remportent une belle médaille de bronze.

Marie Delattre Demory et Mathieu Goubel après la médaille d’argent. — Photo FFCK. A. Brogniart

Après nos courses, nous sommes partis au village olympique pour la dernière journée qui se terminait par la cérémonie de clôture. Durant cette journée nous avons pris le temps de visiter le village et surtout nous avons réussi à aller voir la victoire en finale des handballeurs avec mon collègue kayakiste Philippe Colin. Pour l’histoire, nous avions un souci car nous n’avions pas de billet d’entrée. On a tenté le tout pour le tout en passant par l’entrée de la salle réservée aux handballeurs avec nos accréditations d’athlètes de canoë-kayak. On s’est dit que, vu notre taille, ils allaient nous confondre. Après un passage du contrôle, nous avons rejoint les tribunes par les couloirs où nous avons croisé les «barjos» avant qu’ils ne rentrent sur le terrain.

Mathieu Goubel et Éric Lancelle. Finale du handball. — Photo FFCK. A. Brogniart

Pour la cérémonie de clôture, nous étions tous rangés par nation dans les sous-sols du stade. Il y avait une ambiance de folie. À un moment toute la délégation française a lancé une Marseillaise couvrant le bruit autour et résonnant dans ces grands couloirs. Ensuite nous sommes entrés dans le stade qui brillait au milieu d’un spectacle grandiose. Je ne savais plus où donner de la tête, j’avais un sentiment partagé entre la joie de ces instants et la tristesse que cela soit déjà fini.

Le stade olympique (nid d’abeille) avant la cérémonie de clôture. — Photo FFCK A. Brogniart

 

Le retour en France

Mais en vrai, la fête n’était pas finie, car après un long voyage de retour en France, William Tchamba et moi (les 2 Boulonnais) avons eu la surprise ultime de voir un bus de Boulonnais venus nous accueillir à l’aéroport pour nous ramener à la maison. J’étais très ému de voir la famille et les copains. Le retour a été génial ainsi que la fête qui s’en est suivie.

 

Mathieu Goubel (février 2024)

Témoignage recuilli par Jean-Paul Cézard et Sylvaine Deltour

 

Les témoignages n’engagent que leurs auteurs.

 

 

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