Les JO de Mexico 1968 vus par Jean-Pierre Cordebois
Jean-Pierre Cordebois est né le 28 septembre 1944 à Chantenay Saint-Imbert (Nièvre).
Son club de toujours est le Canoë Club Nivernais (CCN).
Il a été Professeur de « Mécanique des Milieux Continus » à l’École Normale Supérieure de Cachan, puis au Conservatoire National des Arts et Métiers de Paris jusqu’à la retraite.
Son palmarès d’avant les JO 1968 est le suivant :
– Championnats du monde junior 1963 : 7e en K1 et 3e en K4.
– Championnats du monde senior 1966 : 9e en K2 avec Jean Boudehen.
– Champion de France junior en K1 : 1962 en 5 000 m, 1963 en 500 et 5 000 m et en K2 500 m.
– Champion de France senior en K1 : 1965 et 1966 en 500, 1 000 et 10 000m et 1967 en 1 000 et 10 000 m.
MON RÊVE OLYMPIQUE SE RÉALISE
La préparation terminale. Elle s’est effectuée à Font-Romeu sur le lac des Bouillouses (2017 m) afin de s’habituer à l’altitude de Mexico (2 200 m). Nous étions logés avec l’équipe de France d’aviron et avec l’équipe roumaine de canoë-kayak dans un hôtel à proximité du lac.
En ce mois d’août les conditions climatiques n’ont pas été idéales : vent, pluie et neige étaient notre quotidien. Nous terminions les entraînements littéralement frigorifiés.
Le voyage complexe vers Mexico. Le départ pour Mexico était prévu un vendredi à 6 heures du matin à partir du lycée climatique de Font-Romeu créé depuis peu (1966). Nous avons rejoint l’ensemble de la délégation olympique le jeudi soir précédent. Après un bon petit-déjeuner, nous sommes partis pour l’aérodrome de Sainte-Léocadie en autocar. Il s’agit d’un terrain d’aviation militaire spécialisé dans le sauvetage en montagne. C’est environ une heure trente après notre départ de Font-Romeu que nous avons embarqué dans des « Bréguet » à décollage court pour nous envoler à destination de Toulouse. Ce vol, qui n’a pas duré quarante minutes, n’en a pas moins été mouvementé avec un atterrissage plutôt chaotique…
Après une heure d’attente dans l’aérogare de Toulouse nous avons pu poursuivre notre périple à bord d’un « Boeing 707 » qui arrivait de Paris à destination de Montréal. L’avion a quitté la France par les côtes britanniques et a survolé l’Irlande avant de commencer sa traversée de l’Atlantique Nord. Nous sommes arrivés au Canada en survolant l’embouchure du Saint-Laurent. De l’avion, Montréal nous est apparu avec ses immenses quartiers séparés par des avenues tracées au cordeau. Le tout paraissant assez monotone.
Cinq heures de vol nous séparaient encore de Mexico. À cette période, au Mexique c’était la fin de la saison des pluies qui, pour un Mexicain, représente l’hiver pour un Français. Vers le milieu d’octobre, le beau temps s’installe progressivement et dure jusqu’en juillet de l’année suivante. Après une traversée mouvementée du golfe du Mexique, avec un beau décrochage d’une centaine de mètres durant lequel nous avons été en apesanteur sécurisés par nos ceintures, notre avion a survolé Mexico-city. La ville s’est dévoilée à travers puis en sortie d’un tapis de nuages très denses. Mais c’était la journée des atterrissages difficiles alors l’avion a été ballotté par un vent violent, avec une visibilité quasi-nulle et une piste détrempée par une pluie fine. Malgré cela, heureusement, tout s’est bien passé. C’est avec un soulagement non dissimulé que nous avons pu enfin poser nos pieds sur le sol mexicain.
Dans l’aérogare, de nombreux curieux nous attendaient. Un groupe de mariachis a joué pour nous souhaiter la bienvenue de manière typiquement mexicaine.
Le bassin olympique. Trois jours après notre arrivée nous avons repris l’entraînement sur le bassin de Xochimilco, petite localité en périphérie distante d’environ dix kilomètres du centre de Mexico. Le bassin artificiel bien rectiligne creusé dans d’anciens marais mesurait environ 2 500 m de long pour 100 m de large. Il n’était pas profond, jamais venté en cette période. Avec ses neuf couloirs, il ressemblait à une immense piscine.
Histoire étonnante. Dès sa création, sous un climat tropical, le fond s’était tapissé de longues algues envahissantes qui remontaient jusqu’à la surface. Ce qui était incompatible avec des épreuves nautiques. Un moyen avait bien été trouvé pour les éliminer. Pour ce faire, des carpes japonaises avaient été introduites pour « brouter » cette végétation inappropriée. Pourtant, après quelques temps, les algues étaient toujours présentes. Après quelques recherches, les Mexicains observèrent que les carpes étaient carnivores et se mangeaient entre elles… Quel fiasco ! Il fallut vider le bassin pour retirer ces poissons inadaptés et réintroduire d’autres espèces herbivores qui, cette fois, ont effectué le travail avec l’efficacité attendue.
S’agissant des compétitions. Notamment celle du K4H 1 000 m à laquelle je participais avec mes trois valeureux co-équipiers Albert Mayer, Jean Boudehen et Claude Picard. Ma mémoire, 55 ans après, ne me permet pas d’en développer finement le déroulement mais sachez que nous espérions mieux faire. C’étaient mes premiers JO et, dans l’équipe, seul Jean Boudehen avait couru, mais en canoë, ceux de Tokyo en 1964 d’où il était revenu médaillé d’argent. Cette fois, nous n’accéderons pas à la finale.
Je me souviens qu’en série, malgré une préparation minutieuse du bateau, nous échouerons de peu pour la qualification directe en demi-finale. Dans la dernière série qualificative, notre chrono nous aurait permis de passer. Bref, le lendemain, en repêchage, nous nous sommes qualifiés assez facilement. C’est en demi-finale que l’aventure s’arrêtera. Il fallait se classer dans les trois premiers. Troisièmes à mi-course, on a terminé quatrièmes… Je crois que notre chrono n’aurait pas suffi quelle que soit la demi-finale mais nous n’étions pas très loin.
Jean-Pierre Cordebois (février 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard
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