Les JO de Munich 1972 vus par Didier Niquet
Il a été artisan maçon jusqu’à sa retraite.
Son histoire avec le kayak a commencé en 1966 quand il a pris une licence à l’AONES Louviers en section canoé-kayak.
PALMARÈS ET PROGRESSION DE CARRIÈRE
En 1967 j’obtiens un titre de champion de France junior en K1 5 000 m et, avec mes équipiers de Louviers, nous gagnons le titre en K4 500 m.
En 1968, l’année suivante toujours en junior, j’ai obtenu les titres de champion de France en K1 5 000 m et en K1 500 m.
En 1969, j’ai quitté le club lovérien pour celui de Nevers où j’ai retrouvé mon camarade Georges Lebas pour faire équipe en K2. Aux championnats de France, j’ai obtenu les 4 titres suivants : K2 10 000 m, 1 000 m et 500 m ainsi que le K4 1 000 m.
En 1970, j’ai effectué mon service militaire au Bataillon de Joinville. À Dijon mon palmarès s’est enrichi de nouveaux titres de champion de France sénior en K1 et K4 1 000 m, ainsi qu’en K2 10 000 m. J’ai également gagné une sélection pour les championnats du monde de Copenhague où j’ai été éliminé en demi-finale.
En 1971, année préolympique, contrairement à mes adversaires notamment ceux des pays de l’Est, je n’ai jamais eu l’occasion de me préparer physiquement. À Pâques, j’ai pu effectuer un stage à l’Institut National des Sports (INS) sans être en condition physique acceptable. Puis, en quatre mois, j’ai accompli près de 2 000 km en bateau ; ce qui est considérable. J’ai regretté de ne pas avoir pu faire de footing et de musculation.
Malgré cela, j’ai disputé les championnats de France à Choisy-le-Roi où j’ai pu remporter de nouveaux titres de champion de France : K1 10 000 m, K2 et K4 1 000 m. Ceci dit, en 1971, sélectionné pour les championnats du monde à Belgrade, je n’ai pas pu dépasser le cap des séries sur la vitesse à cause d’une méforme inquiétante. J’ai quand même accroché une douzième place sur K1 10 000 m. Cette étape aura été pour moi une période difficile et de grande solitude à l’INS n’ayant personne avec qui m’entraîner régulièrement. Moralement, plutôt désastreux.
Heureusement, en 1972, année olympique, en meilleure forme, j’ai encore remporté des titres de champion de France à Tours en K1 1 000 m, K2 et K4 1 000 m. Mais surtout, cerise sur le gâteau, associé à Jean-Pierre Cordebois en K2 1 000 m aux JO de Munich, nous accèderons à la finale et terminerons à la 6e place. Les lourds sacrifices consentis ont fini par payer.
En 1973, année post-olympique, j’ai encore remporté un titre national en K1H sur 10 000 m et j’ai participé aux championnats du monde de Tampere en Finlande sans grand succès. Au final, après 18 titres de champions de France et une finale olympique, très démotivé, j’ai arrêté la compétition pour me consacrer pleinement à ma vie professionnelle et familiale.
ANECDOTES ET SOUVENIRS MARQUANTS DATANT D’UN DEMI-SIÈCLE :
Préparation physique, stage hivernal à Prémanon (Jura)
En début d’année 1972, nous avons effectué un stage de préparation physique dans le Jura, à la station des Rousses ; plus précisément à l’école nationale de ski nordique de Prémanon. L’objectif était principalement de réaliser un travail cardiaque foncier basé sur de longues randonnées à ski de fond à rythme soutenu. La neige était parfaite et le domaine skiable était immense. Il couvrait toute la vallée de Lamoura et, plus haut, la Forêt du Massacre.
Chaque sortie était précédée de l’incontournable fartage des skis avec l’aide d’un moniteur spécialiste souvent ancien compétiteur de haut niveau, après que celui-ci ait étudié la qualité de la neige. La première journée du stage a consisté à travailler la technique du ski de fond. Dès la deuxième, nous étions lâchés sur les pistes.
Chaque jour nous faisions d’interminables courses à un rythme soutenu qui nous mettaient « sur les genoux » ; chaque soir nous étions vidés. Pour varier les circuits parfois nous nous aventurions dans la « Forêt du Massacre ». Sa dénomination donne une idée des pistes qu’elle abrite, ici il n’était plus question de vitesse. Notre seul souci était d’en sortir indemne.
Entraînements sur l’eau, en Marne, à Choisy et en stage
Nos entraînements sur l’eau avec Jean-Pierre se sont partagés entre le K1 et le K2. Durant le début de l’année 1972, ils se sont principalement déroulés sur la Marne par de longues sorties pour travailler le foncier. Puis les compétitions préparatoires arrivant, nous avons quitté la base nautique INS de la Marne pour une autre base nautique située à Choisy-le-Roi. Le bassin long de 1 500 m et étalonné était idéal pour la préparation du 1 000 m.
Durant cette phase nous avons multiplié les sorties en K2. Chaque jour, ajouté au footing matinal et à la séance de musculation du soir, nous avons effectué deux entraînements en bateau. La matinée était consacrée à une séance de fractionné (« interval training ») d’une heure et demi. L’après-midi nous répétions des 1 000 m à 80% de nos capacités, entre deux 1 000 m nous récupérions en remontant tranquillement à notre point de départ. Il nous arrivait parfois de déroger à ce programme et de l’adapter quand les conditions météo étaient difficiles. En 8 mois, nous avons effectué 3 000 km en bateau avec du travail qualitatif technique et physique.
Je me souviens que l’équipe de kayak de Côte d’Ivoire invitée par la FFCK s’entraînait aussi en vue des JO sur le bassin de Choisy-le-Roi. N’étant pas habitués à nos latitudes les pagayeurs ivoiriens étaient souvent transis de froid et écourtaient leurs sorties sur l’eau.
Objectif Munich
J’ai été obligé de réviser ma leçon. Plus de deux kilomètres de longueur et presque cent cinquante mètres de largeur, le bassin olympique de Feldmöching situé près de Munich était magnifique avec sa grande tribune d’arrivée de 9 500 places sans compter celles installées sur l’autre berge. Elles étaient toujours remplies durant les compétitions. Comme d’habitude aux JO, le bassin a d’abord servi aux compétitions d’aviron avant de servir au canoé-kayak. Nous avons bénéficié d’un temps clément sur ce bassin durant la période précédant les Jeux. Le bassin était un vrai miroir et, par chance, ce fut aussi le cas pendant les compétitions olympiques.
Avant nos courses, il n’était plus question d’entraînements intenses. Pour l’essentiel, pendant les jours qui précédèrent les courses, nous avons effectué des 1 000 m avec accélération progressive dans les 500 derniers mètres pour terminer à intensité maximale (tactique en « negative split » autant que faire se peut).
Les résultats des compétitions préparatoires s’étaient avérés très moyens. Il est probable que nous n’étions pas prêts et que nous abordions ces courses assez fatigués par la quantité de travail que nous nous imposions. Bien sûr et heureusement, à Munich, nous étions en forme et frais. Nous avions progressivement arrêté les sorties longues et intenses pour les remplacer par des séances plus légères, spécifiques et qualitatives. Ça c’est ressenti dès les repêchages et plus encore lors de nos demi-finale et finale.
Globalement, cette année olympique restera pour moi un excellent souvenir. Ce fut une belle aventure qui se termina par une sixième place dans une finale très relevée, dominée par des « pays de l’Est » de plus en plus présents et dominateurs…
Didier Niquet (juin 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Pierre Cordebois et Jean-Paul Cézard
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