Les JO de Moscou 1980 vus par Pierre Langlois

Pierre Langlois a débuté le canoé en 1974 et participé dans la même année à ses premiers championnats de France à Boulogne-sur-Mer en cadet 1re année où il a terminé 2e. L’année d’après, il effectue son premier stage fédéral jeune espoir avec Jean-Claude Le Bihan (entraîneur national). « Je me souviens des propos qu’il tenait. Il nous disait que la relève de l’équipe de France pour les championnats du monde ou les Jeux olympiques était peut-être dans ce stage espoir. » Quatre ans après, en 1978 en sénior 1re année, il participe à ses premiers championnats du monde à Belgrade (ex-Yougoslavie) sur la distance du C1 500 m et 1 000 m.

 

 

 

 

 

CONTEXTE GÉO-POLITIQUE

médaille de participant aux JO de Moscou 1980. — Coll. Langlois

 

C’est en 1974, dans une période de détente entre les États-Unis et l’Union soviétique que la ville de Moscou est désignée par le CIO pour organiser les dix-neuvièmes Jeux olympiques d’été, du 19 juillet au 3 aout 1980, et laisse penser qu’ils seront dans l’entente et la réconciliation.

Le drapeau olympique symbole d’union des peuples. — Coll. Langlois

Hélas, le 25 janvier 1979 l’Union Soviétique envahit Kaboul dans l’ouest de l’Afghanistan. Les États-Unis boycottent les JO de Moscou entraînant dans leur sillage une cinquantaine d’autres nations comme, le Canada, la RFA et le Japon, qui décident de s’aligner sur la décision américaine.

Le CNOSF aura le choix de participer ou non à cette compétition. Il prônera la présence aux Jeux pour ne pas priver les athlètes de l’événement de leur vie, en concourant sous le drapeau olympique afin de ne pas associer le drapeau français directement à un événement organisé par l’URSS.

Cette décision était très attendue par tous les athlètes en début d’année pour définir les orientations à prendre sur les entraînements, les stages, les déplacements en compétition internationale et les sélections  aux Jeux olympiques de Moscou.

 

LES JEUX OLYMPIQUES

Malgré la participation aux Jeux olympiques, la France comme cinq autres pays, a choisi de ne pas prendre part à la cérémonie d’ouverture et de clôture : l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, Saint-Martin et la Suisse. Dommage pour les souvenirs.

Le stade olympique lors de la cérémonie d’ouverture sans nous. — Coll. Langlois

Notre tout jeune équipage en C2 avec Franck Lambert est créé en  1979 pour participer aux championnats du monde de Duisbourg sur la distance du C2 500 m, où nous avons fini 5e en demi-finale.

L’objectif 1980 pour notre embarcation était de pouvoir améliorer notre équipage en coordination et technique, mais la tâche fut difficile; Franck étant sur Paris à l’INSEP et moi je travaillais dans une maison de champagne à Épernay depuis l’âge de 16 ans.

Mes séances d’entraînement de deux à trois heures par jour s’effectuaient après ma journée de travail, ce qui n’était pas simple tous les jours et surtout l’hiver.

Franck est venu chez moi pour que l’on puisse s’entraîner en C2, mais il devait attendre que je quitte mon travail à 16 h pour monter en bateau sur la Marne au coucher du soleil.

Malgré tout cela, il a fallu trouver une solution plus favorable pour que notre équipage soit compétitif et pour obtenir notre sélection pour les Jeux de Moscou.

J’ai obtenu l’accord de mon patron M. Gaston Burtin (entreprise Marne & Champagne) pour quitter mon emploi à Épernay début mars pendant 4 mois, sans rémunération, tout en sachant que nous n’étions pas encore qualifiés pour participer aux JO. J’étais marié et père d’un enfant d’un an. Ce fut une période très difficile financièrement,  mais c’était la seule solution pour rejoindre Franck à l’INSEP et s’entraîner ensemble sur le bassin de Choisy-le-Roi afin de participer au programme de préparation et aux compétitions internationales en vue des JO.

Nous arriverons donc à Moscou 3 jours avant nos courses pour nous familiariser avec le bassin et prendre nos repères.

Les tribunes d’arrivée du bassin olympique. — Coll. P. Bérard

Privé de l’Allemagne de l’Ouest, du Canada et des États-Unis, les compétitions se résumèrent bien souvent à un duel entre les pays de l’Est et l’URSS qui remportèrent une bonne partie des médailles.

Se retrouver sur l’eau avec le Roumain, Yvan Patzaichin, figure emblématique du canoë et multi-médaillé depuis 1968, ne me laisse pas indifférent. Ce sont ses quatrièmes olympiades et il sera encore présent à Los Angeles en 1984…

Yvan Patzaichin et son équipier de C2 Toma Simionov. — Coll. Langlois

 

Langlois (avant)-Lambert (arrière) sur le bassin olympique. — Coll. Langlois

Pour accéder en finale, nous sommes passés par des séries éliminatoires où les 3 premiers étaient qualifiés pour les demi-finales, les autres en repêchage. En toute honnêteté, le boycott de certains équipages nous a permis d’accéder plus aisément en finale du C2 500. En finale, avec Franck, nous nous sommes dit qu’on n’avait plus rien à perdre et qu’il fallait tout donner. Après la course, nous avons été surpris des cadences de coup de pagaie à la minute : nous étions à 72 CP/Mn, pendant que les 6 premiers étaient à 80 CP/Mn.

Les résultats officiels du C2H 500 m. — Coll. Langlois

 

RETOUR AUX RÉALITES

Prêts à rentrer à la maison, l’équipe au complet à l’aéroport. —Coll. Langlois

 

Aussitôt après la fin des courses de canoë-kayak, nous avons pris l’avion pour retourner en France où, dès mon retour, j’ai repris mon travail à Épernay où mon patron m’attendait.

La compétition de haut niveau m’a apporté une maîtrise de soi, l’envie de repousser toujours les limites et de ne rien lâcher. Aujourd’hui encore, malgré les années qui passent…

 

Pierre Langlois (mars 2024)

Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard

 

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