Les JO de Londres 2012 vus par Mathieu Goubel
Mathieu Goubel est né à Boulogne-sur-Mer en avril 1980 (Pas-de-Calais). Son club de toujours est le Boulogne Canoë Kayak (BCK). Sa mère était prof d’EPS et son père, kiné sportif, cela aide… Il a commencé le kayak à l’âge de dix ans. Il était déjà grand et costaud. Il est canoéiste mais il a commencé par le kayak même en compétition jusqu’en benjamin. Il est passé au canoë parce qu’issu d’un club avec une culture canoë énorme, le club de Boulogne-sur-Mer.
« Au début, je n’étais pas en mode compétition. Comme beaucoup je pense, je voulais juste m’amuser avec des copains. On allait en mer ou en rivière, on faisait du kayak polo. On nageait aussi beaucoup pour le fun… Rien de mieux pour se sentir à l’aise dans et sur l’eau. Une fois, j’ai fait couler un bateau, il a fallu le récupérer au fond avec un grappin. Mais mon club était un grand club de compétition en course en ligne, j’ai fini par aimer ça. Je suis passé par le CAPS, par l’équipage C4 (bateau-école par excellence) puis le C1 et le C2. Mon équipier à l’époque était Anthony Soyez, coach d’Adrien Bart aujourd’hui. »
En 1999, il est sélectionné en C4 avec Sylvain Hoyer, Yannick Lavigne et Jean-Gilles Grare pour les championnats du monde senior. Il a beaucoup appris et ils sont revenus avec une médaille de bronze sur 500 m et une 5e place sur 1 000 m. De bons débuts internationaux. Du côté des JO, il a couru à Pékin en 2008 (cf. témoignage). Londres étaient donc ses seconds JO.
PRÉPARATION ET SÉLECTIONS INTERNATIONALES
Pour ces JO, je m’étais spécialisé et préparé à 100% sur le C1 1 000 m, Cependant, le C1 200 m faisait son entrée dans le programme olympique et j’ai gagné l’opportunité d’y participer.
La préparation a encore été compliquée pour ces deuxièmes JO car je n’ouvre pas directement le quota aux championnats du monde de Szeged en 2011 puisque je finis 7e. Le contrat était de faire dans les 7 premiers mais à condition que l’Angleterre prenne son quota de pays hôte. Je commence donc la saison avec une décision de la fédération – incompréhensible pour moi – de ne pas aligner de C1 1 000 m aux rattrapages continentaux mais un C2 1 000 m. J’ai donc protesté en mettant en avant toutes les médailles mondiales et européennes glanées sur cette olympiade. J’ai passé un hiver à monter un C2 avec mes 2 équipiers préférés, William Tchamba et Mathieu Beugnet tout en gardant un gros niveau de préparation en C1. Ce choix a été douloureux pour moi.
Les sélections françaises se passent très bien pour moi car je gagne C1 1 000 m, C1 200 m et le C2 1 000 m avec Mathieu Beugnet. Dès le lendemain, fort de ces résultats, j’ai engagé un bras de fer : j’ai demandé à courir le C1 1 000 m aux rattrapages continentaux. Il y avait 1 place en C2 et 2 en C1, j’avais plus de chance de me sélectionner en C1. Je m’en voulais énormément par rapport à Mathieu mais les règles qui m’étaient imposées m’obligeaient à réagir ainsi. Heureusement, avant même les rattrapages, j’ai pu récupérer mon quota pour le C1 1 000 sur redistribution FIC. Aux rattrapages de Poznan, nous terminons 2es du C2 1000 derrière les Polonais.
J’ai ainsi pu revenir à une préparation en monoplace avec de beaux résultats partagés avec deux entraîneurs, Francois During et Anthony Soyez. Cette année-là, je gagne trois médailles en coupe du monde C1 1 000 m, un titre de champion Europe en C1 500 m et un de vice-champion d’Europe en C1 1 000 m. J’étais en bonne forme.
LES JO DE 2012 ET MA COURSE DE C1 1 000 m
J’arrive à Londres avec le projet en tête de gagner, je l’avais déjà fait et je me sentais capable de le refaire. Les courses de qualifications se passèrent comme sur des roulettes, notamment en demi-finale où je maitrise la course comme jamais.
En finale, je me retrouve à coté de mon ami et adversaire du moment l’impressionnant Allemand Sebastian Brendel mais aussi avec tout le gratin (on est bien en finale olympique). Je me trouve aux avant-postes au coude à coude avec Sebastian. Aux 500 m, il place une relance dont il a le secret. Ne pouvant pas le laisser s’échapper pour la victoire, je décide de le contrer rapidement. Mais je suis un peu crispé… je n’arrive pas à le remonter suffisamment. Cette relance m’aura été fatale. Ayant laissé trop d’énergie dans ce temps fort, l’Allemand s’échappera irrésistiblement vers une belle victoire et moi je me suis écroulé. Les autres reviendront comme des fusées mais je terminerai quand même 5e au bout de mes forces.
L’Espagnol David Cal Figueroa prendra l’argent et le Canadien Mark Oldershaw le bronze. En passant la ligne je pris un bain mémorable. Tétanisé par une accumulation d’acide lactique, il m’était impossible de nager. J’étais en train de couler quand la main du secouriste en bateau m’a remonté à la surface.
MA COURSE DE C1 200 m
Dans le règlement complexe des inscriptions aux épreuves olympiques, ma sélection sur 1 000 m me permettait de pouvoir courir aussi le 200 m. Dans le programme, cette épreuve arrivait après le 1 000 m. J’avais déjà glané quelques médailles sur les circuits de coupe du monde sur 200 m. L’inscription sur ces épreuves avait surtout pour but de répéter des courses et de travailler les phases de départ. De plus, j’avais des qualités physiques et techniques que je pouvais faire valoir sur cette courte distance. J’étais également le meilleur français sur 200 m lors des sélections.
Je commençais dans la 1re série juste à côté du champion du monde et d’Europe en titre, l’Ukrainien Valentin Demyanenko devenu Azerbaïjanais. Le bassin est en plein milieu des tribunes qui font un bruit de dingue. Dans un timing de rêve, je fais un start magique qui me donne un peu d’avance que je garde jusqu’à la fin sous la clameur de tous les supporters français. Je gagne donc cette série. Petit clin d’œil : comme le 200 m est une première aux JO et que c’est la première série de la journée, je me retrouve le temps d’une course avec le record olympique. En finale, je finirais 7e au terme d’une course qui m’a procuré beaucoup de plaisir « olympique ». Sept années plus tard (2019), je serai reclassé 6e à la suite de la disqualification tardive pour dopage du vice-champion olympique lituanien Jevgenijus Šuklinas (analyse échantillon B / présence d’un anabolisant, le turinabol).
APRÈS LES COURSES
Nous sommes transférés au village olympique pour profiter du dernier jour où nous retrouvons l’ensemble des athlètes français. Avec toute cette délégation, nous sommes allés supporter les handballeurs pour leur nouveau titre olympique. Et, pour finir cette journée déjà magique, nous avons participé à la cérémonie de clôture. C’était encore un spectacle très fort en émotions. Pourtant, ce n’était pas encore fini car le lendemain, nous sommes rentrés en TGV jusque Paris où nous avons pu défiler avec nos conjoints dans des bus à étage anglais autour des Champs-Élysées. Une foule de gens était là pour nous accueillir et nous applaudir. Enfin, une soirée mémorable s’en est suivie.
En termes de proximité de la France, les JO de Londres étaient comme à la maison. Tout mon entourage, famille, ami, collègues sont venus me supporter. C’était dingue. Après les entraînements et les courses, on s’octroyait des petits bains de foule en mode « photos et bisous » dans tous les sens. C’étaient vraiment des moments de liesse indescriptibles. J’ai fait vivre de grands moments d’émotions à toutes les personnes que j’aime et ça m’a rendu fier et heureux.
CÔTÉ FORMATION
Comme beaucoup, ce fut la filière universitaire des STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives). Ma première année, je l’ai faite à Boulogne, ensuite, en 2000, je suis allé à l’INSEP (au pôle de Vaires-sur-Marne). J’ai obtenu une licence puis une maîtrise et j’ai passé et réussi le concours du professorat de Sport en 2006. Au début, je pensais tout faire à Boulogne mais j’ai vite compris qu’il fallait que j’intègre une structure plus adaptée au haut niveau. Au début, je n’ai pas retrouvé l’émulation que j’avais connu à Boulogne. Puis, en 2001, Didier Hoyer et d’autres Boulonnais sont arrivés à l’INSEP. Là, les entraînements ont envoyé « du lourd ».
Mathieu Goubel (février 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard
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