Les Jo de Rio 2016 vus par Thomas Simart
Thomas Sinart est né en octobre 1987 à Bois-Bernard (Pas-de-Calais). Son club de toujours est ASL Saint-Laurent Blangy. « Tout commence en 2004 quand Marie Delattre participe aux Jeux d’Athènes, moi je me vois dans son sillage et je continue à m’entraîner comme il faut pour être dans le haut du panier. Après j’ai toujours eu les Jeux dans le viseur. »
AVANT LES JEUX, PAS SIMPLE…
Mon lien avec les Jeux a toujours été très compliqué dans ma tête. C’était du « je t’aime, moi non plus ».
En 2008, j’étais encore trop jeune puis arrive 2012 où là je me dis « allez il y a quelque chose à jouer » car le 200 m devient olympique, c‘est tout bénéfice pour moi et c’est vraiment une belle rampe pour me permettre d’accéder aux Jeux puisqu’en 2010 je deviens champion du monde sur 200 m. Je me dis « voilà c’est tout tracé » : les Jeux c’est l’objectif suivant.
Puis je me blesse finalement en 2011 aux abdos donc je me fais opérer. J’essaie de me retaper pour être présent aux rattrapages continentaux en 2012. Cette blessure aux abdos a été plus violente que ce que je pensais et finalement je loupe également ma sélection olympique en 2012. Premier coup de massue parce que j’avais vraiment misé beaucoup pour y participer. Mais je n’arrête pas là et je me dis que j’apprécie vraiment le sprint ; c’est vraiment quelque chose qui est très ancré en moi puisque j’ai toujours eu une certaine explosivité depuis tout petit.
La qualification olympique pour Londres m’échappe ; c’est la poisse.
2014 : blessure à l’épaule, déchirure aux ischio et tendinite au coude qui me fait souffrir au point de plus arriver à serrer le poing et prendre ma pagaie en main. Donc j’arrête ma saison en juin, je coupe pour mieux rebondir. Je passe du temps à me soigner en me disant que l’objectif à venir, c’est bien les championnats du monde en 2015, synonyme de quota olympique. Malheureusement c’est encore trop juste, je ne passe même pas en finale malgré les encouragements de mes amis et de la famille sur place. Je participe donc aux rattrapages continentaux de Duisbourg que je n’aborde pas dans de bonnes conditions. Nouvelle déception puisque je finis 3e à 2 centièmes du second et c’était les deux premiers qui étaient qualifiés.
Nouvelle déception difficile encaisser. C’est à ce moment que j’ai pris conscience que tous mes projets olympiques s’effondraient. Dans mon club de Saint-Laurent Blangy, on me conseille de continuer à m’entraîner sérieusement parce qu’il y a parfois des quotas de rattrapage. C’est ce qui s’est produit à un mois du départ pour Rio en juillet « grâce » à un Biélorusse qui s’est fait prendre pour dopage. J’étais le premier non pris sur la liste, je me trouve donc qualifié. Ce fut une grande satisfaction même si ça n’a pas eu la même saveur qu’une qualification directe. En effet, je n’ai pas pu participer aux différents stages préparatoires avec l’équipe de France. Mais peu importe ! Je prends ça du bon côté et je ne me prends pas la tête. J’arrive aux JO avec zéro pression complètement relâché et sûr de mes capacités. Tout est optimisé notamment techniquement et mon temps aérien (allègement / retour à l’attaque) qui me permet d’avoir une glisse comme je n’ai jamais ressenti. Et ça, c’était vraiment incroyable à ressentir !
ENFIN LES JEUX !
Tout ce que j’ai mis en place commence à se concrétiser et j’atteins vraiment mon but technique, le relâchement. J’avais la forme olympique et, je pense, la bonne technique. J’avais pu participer au Test Event en septembre 2015 à Rio et donc quand j’arrive en 2016, j’étais déjà en terrain connu. Je connaissais bien le bassin très mouvementé. Sur cette étendue d’eau, il n’y a rien qui casse le vent en bordure de mer. Ce genre de bassin technique, j’en ai fait une force. J’ai toujours aimé naviguer dans des conditions difficiles.
Les proches dans les tribunes, Natacha ma femme, Pierre mon frère, mes parents et Yann mon ami étaient là, ça me donnait des ailes. J’avais la banane tout le temps j’étais enfin là où je voulais être et je me souviens exactement de tous les détails. J’étais hyper heureux. En série et en demi-finale tout semble facile mais en fait c’était facile parce que je me suis entraîné dur. Le fait de pas avoir de pression ça m’a libéré puissance 10.
Quand la France t’encourage, quand la nation t’encourage, tu as des ailes et tu n’as qu’une envie c’est de faire du mieux possible. Malheureusement, une fois en finale, je me fais rattraper par l’enjeu. Je me crispe un peu et ça me fait terminer 8e à 5 dixièmes du podium. C’était vraiment serré. Ce n’est pas la place à laquelle je rêvais mais, malgré tout, je suis satisfait de mon parcours de mes différentes performances sur l’ensemble de la compétition. Je n’oublie vraiment pas d’où je viens : les blessures, les doutes, les douleurs se sont transformées en quelque chose de magique. C’était vraiment incroyable à vivre.
L’AMBIANCE OLYMPIQUE
La dimension olympique c’est vraiment quelque chose hors norme. Il faut s’imaginer le village olympique comme un quartier résidentiel avec des tours d’immeuble et énormément d’équipements sportifs tel qu’un stade de foot entouré d’une piste d’athlétisme, des salles de musculation aux différents endroits du village, et une petite zone commerciale. Ces équipements permettent aux sportifs de ne pas se déplacer pour finaliser leurs réparations avant la compétition. Sans oublier l’immense cantine ouverte 24/24h. un vrai défi logistique pour l’organisateur.
Le Comité national olympique avait donc investi toute une barre d’immeuble où l’équipe de France a été regroupée. Quelques jours avant les courses il y a eu une alarme incendie. L’immeuble de 20 étages a dû être évacué. Nous sommes donc descendus par les escaliers depuis le 13e étage et derrière nous Christophe Lemaitre n’était pas très content de devoir se faire un aller-retour dans les escaliers la veille de sa course. À ce niveau chaque détail compte !
Les Jeux olympiques se déroulent donc sur 2 semaines. Il y a une rotation d’athlètes entre les deux semaines.
Nous n’avons donc pas rencontré tous les athlètes seulement ceux qui étaient présents la deuxième semaine.
C’est également pour cette raison que nous n’avons pas participé à la cérémonie d’ouverture. En revanche nous avons vécu un très beau moment lors de la cérémonie de clôture même si celle-ci s’est passée sous une pluie battante.
Nous avons donc pu partager nos différentes expériences d’entraînement, de compétition avec d’autres athlètes français une fois les courses finies. Effectivement avant cela, tout le monde est dans sa « bulle » et les échanges sont très limités. Par exemple, après la finale olympique du 100 mètres nous avons pu apercevoir Usain Bolt danser sur son balcon et bien heureux d’avoir fini sa compétition avec une nouvelle médaille d’or autour du cou.
Nous, sportifs de haut niveau, sommes tous animés par cette passion olympique et surtout cette envie de performer au plus haut niveau. Chacun d’entre nous s’entraîne depuis des années pour atteindre son objectif olympique. Le chemin est long, très long et les Jeux olympiques ne sont que la face immergée de l’iceberg.
Thomas Simart (Janvier 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard
Les témoignages n’engagent que leurs auteurs