Les JO de Los Angeles 1984 vus par Catherine Mathevon
Catherine Mathevon est née en août 1963,dans un village près de Besançon le long du Doubs. Son club de toujours a été le Sport Nautique Bisontin (SNB- Doubs). Club dans lequel, aujourd’hui, elle est toujours une dirigeante assidue. À l’international, elle surtout été une équipière très attentionnée. À défaut de vous proposer un récit exhaustif, technique et académique, comme d’autres ont pu le faire, elle a choisi le côté anecdotique ou très spécifique de certaines situations, les à-côtés, pour nous mettre dans l’ambiance.
MA (NOTRE) PRÉPARATION DES JEUX
Préparation sur le bassin de Choisy-le-Roi (94).
Une préparation intense autant sur le rythme, les déplacements, les expériences en tous genres. En 1984, Un journaliste du Monde a passé plusieurs mois à l’INSEP pour observer et s’imprégner des pratiques du sport de haut niveau. Le journaliste se posait la question de la transformation, de la mutation des athlètes.
Sur le plan anecdotique… et technologique.
En juillet donc, dans le supplément du journal Le Monde, on y découvrait des images de Daniel Legras, l’un des membres de l’équipe de France de kayak, lors d’un test d’effort sur ergomètre à bras et une autre image prise lors d’un congrès international des entraîneurs à Paris pour découvrir les nouvelles technologies, mesurer l’effort, l’efficacité des coups de pagaie, etc. .
Avec mon équipière Bernadette (Brégeon-Hettich), nous avions été « réquisitionnées » pour quelques démonstrations et essais de matériel. Finalement, quelques désagréments et une photo plutôt bizarre toujours dans cet article. Cette photo comportait la question suivante : « la fille, dont l’homme parait bricoler l’abdomen avec un tournevis n’est-elle pas un robot androïde ? »
Le matériel.
La particularité de notre sport est notre matériel notamment le bateau, des bateaux en bois, à l’époque c’était le haut de gamme incontournable à l’international. Pour les Jeux, nos bateaux ont dû être expédiés à Los Angeles par voie maritime, bien avant nous dès la fin juin. Nous nous sommes donc entrainées avec des bateaux de secours, en cyclisme ou en sport automobile, on les appelle « les mulets ».
Fâcheuse anecdote. Il a quand même fallu trouver à deux reprises des bateaux de rechange car lors du retour de compétition de Sofia (Bulgarie), au rond-point à côté avant d’entrer dans Choisy-le-Roi, notre base d’entraînement « parisienne », la remorque a été percutée par un camion, résultat, certains de nos bateaux « mulets » se sont retrouvés à l’état de « petit bois». Serait-ce ça qu’on appelle la poisse ?
MA (NOTRE) PRÉPARATION TERMINALE
L’équipe de France avait fait le choix d’arriver le plus tard possible sur place aux Jeux – pour éviter l’euphorie du village olympique, la chaleur, la cérémonie et les animations énergivores, etc. – et pour privilégier une bonne qualité d’entraînement dans notre « camp de base » au bord du lac de Chaumeçon dans le Morvan.
Ce choix impliquait donc d’anticiper partiellement et progressivement (4 à 6h) le décalage horaire réel avec la Californie (8h), ce que nous avons fait sur ce site, avec différents aménagements, matériels (en occultant les diverses ouvertures) et planning de la journée, qui s’est traduit par de longues « grasses matinées », des petits déjeuners à l’heure du déjeuner et des entraînements décalés dans la journée, avec en prime, les moustiques pour les entraînements du soir au coucher du soleil.
Nous avons donc quitté Chaumeçon alors que les JO avaient débuté depuis une semaine. Nous avions pu regarder la cérémonie d’ouverture à la télévision en direct.
L’ARRIVÉE À LOS ANGELES
Après les formalités d’usage, récupération des bagages, photos et cartes d’accréditation, nous (à savoir les 3 filles de l’équipe : Béa Knopf-Basson, Bernadette Hettich-Brégeon et moi-même) avons eu la surprise d’être conviée à un test de féminité. Un moment inattendu qui a suscité bien des fous rires.
Le village olympique annexe à Santa Barbara.
Les jeux de 1984, ont très certainement marqué un virage dans l’organisation des Jeux, avec une présence commerciale très forte (pour rappel, piscine financée par Coca-Cola, aménagements bassin nautique, par MacDonald’s et premier parcours de la flamme avec soutiens financiers d’entreprise) et l’envie de montrer au monde un sentiment de paix et de maîtrise.
Première impression, le sentiment d’arriver à Disney-Land : des personnes habillées de costumes couleurs pastels : roses, jaunes, bleus, verts pales ; des personnages de Disney présents sur le site. Une ambiance très détendue, en décalage avec le motif de notre présence sur ce site.
Un village réservé aux deux sports nautiques, à savoir l’aviron et le canoë-kayak. Une ambiance plutôt feutrée par rapport au village olympique de Los Angeles, que nous avons rejoint après les épreuves.
Le bassin.
Aujourd’hui, on parlerait d’hérésie ! Un bassin en plein milieu du désert à 1 heure de bus de village olympique. Un bassin tellement venté que les horaires des courses étaient calés en matinée, entre 7h et 10h30. À partir de la fin de matinée, c’était tempête assurée. Le premier jour de compétition, lorsque nous sommes arrivés sur le bassin à 6h du matin, j’étais époustouflée de voir que les tribunes étaient pleines !
Bravo aux spectateurs !
Les courses.
Bien-sûr, comme toute l’équipe, nous rêvions de médaille. Lors des demi-finales, nous avions le 5e temps. Pour la finale, nous savions que nous étions dans la ligne d’eau à côté des Suédoises (qui avaient le meilleur temps et prétendantes à la médaille d’or). La stratégie était donc de s’accrocher au maximum, ce que nous avons fait, avec des cadences de 136 coups de pagaie /minute. Mais cela n’a pas été suffisant, sur la fin de course, nous avons été lâchées pour finir 6es. Déçues forcément, mais nous avions vraiment tout donné. Les 5 premiers bateaux étaient intouchables ce jour-là. Nous nous sommes bien battues pour préserver une 6e place très convoitée jusqu’au bout.
La cérémonie de clôture.
Moment très attendu, d’autant que nous n’avions pas participé à la cérémonie d’ouverture. J’ai donc quitté le village olympique en même temps que Jacky Boxberger (athlète Franc-Comtois), qui se rendait au départ du marathon olympique. Autant dire que nous étions prêts à l’avance et avons patienté quelques heures avant de pouvoir rentrer dans le stade.
L’organisation des nations derrière les porte-drapeaux (pour nous Jean-François Lamour double champion olympique au sabre et futur ministre des sports), a vite tourné au fiasco. Notre impatience nous a poussé aux portes du stade défiant toutes les règles d’organisation et de protocole. Au final, la horde d’athlètes a fini par rentrer au pas de course, et après un tour de stade en courant (pas facile, avec nos tenues officielles, chacun avait lâché son adrénaline et pouvait reprendre sa place pour assister au show américain : spectacle, concert Lionel Richie, feux d’artifice d’exception, le défoulement total, la fête ! Mais les Jeux sont terminés puis la flamme s’éteint pour 4 années…
RETOUR À LA MAISON
Lendemain de la cérémonie de clôture, alors que nous nous préparions tranquillement à quitter nos chambres et le village olympique de Los Angeles, soudainement, une sirène a retenti, informant d’une alerte à la bombe. Tout s’est accéléré et nous avons été invités à rejoindre au plus vite les bus qui nous conduisaient à l’aéroport. Des personnes de l’organisation se chargeant de nos sacs. Nous avons alors traversé Los Angeles escortés par moult véhicules de police, à l’avant, à l’arrière et même à gauche et à droite du bus. Sirènes en prime. J’avais l’impression d’être dans la série télévisée « Starsky et Hutch « .
Arrivés à Paris, il me manquait un bagage… mais ce n’était pas bien grave, les bons souvenirs sont restés !
Finalement, avec Bernadette, fortes de cette belle expérience, nous avons continué notre aventure quelques temps encore…
Catherine Mathevon (janvier 2024)
Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard
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