Les JO de Los Angeles 1984 vus par Philippe Renaud

Portrait de Philippe Renaud au bord du bassin olympique. — Coll. Renaud

Philippe est né en décembre 1962 à Créteil (Val de Marne). À Los Angeles, ses premiers Jeux, il courait en C1. Comme Éric son frère, également sélectionné en C2 avec Didier Hoyer à Los Angeles, il est le fils de Marcel finaliste en kayak à Helsinky en 1952 et médaillé en canoë à Melbourne en 1956. Il est aussi le petit-neveu de Maurice 4e en cyclisme sur piste aux Jeux de Paris en 1924. Donc, issu d’une famille d’olympiens, les 2 frères devaient comme eux entrer dans l’Histoire du sport olympique. Ses clubs successifs ont été Cosne-sur-Loire, Nevers puis Boulogne-Billancourt.

 

 

 

MES DÉBUTS OLYMPIQUES

Cinq ans avant Los Angeles, dès 1979, je rêvais déjà de participer aux Jeux olympiques de Moscou. Cela ne s’est pas réalisé car à l’époque j’étais encore junior et la fédération n’avait pas souhaité que je prenne part aux sélections. Les Jeux de Los Angeles en 1984 sont donc mes premiers JO, j’avais un peu plus de 21 ans.

J’avais une étiquette de sprinteur car seul le C1 500 m m’attirait, même si la fédération m’avait inscrit au dernier moment également sur le C1 1 000 m. Au final :

  • Le C1 1 000 m s’est soldé rapidement avec une élimination dès la série pour une prise de vague un peu proche de la ligne d’eau voisine.
  • Sur le C1 500 m, je termine 4e de la finale à seulement 9 centièmes du podium…
Philippe Renaud sur le ponton d’embarquement, pagaie bois manche carbone fait maison. — Coll. P. Renaud

Pour le 500 m, ma distance fétiche, les choses ont été bien différentes du 1 000 m. Cela a vraiment été difficile pendant les courses éliminatoires où je suis obligé de passer par les repêchages. Je n’arrivais pas à retrouver mes sensations habituelles. L’accroche de la pagaie n’était pas excellente et me paraissait beaucoup trop dure. Je réalisais de mauvais chronos (autour de 2’08 – 2’10). Jusqu’aux repêchages, je me faisais supplanter par des pagayeurs qui étaient habituellement derrière moi. Confiance en baisse…

Heureusement, en demi-finale, cela s’est amélioré. Je fini par assurer ma qualification en réalisant enfin un bon chrono. C’était le 6e meilleur des trois demi-finales où l’on se tenait tous entre 2’02 et 2’04 ; de quoi se rassurer un peu. J’étais donc soulagé mais quelque chose ne me convenait toujours pas. Les bonnes sensations n’étaient pas encore revenues !

De retour au village olympique, je profite de l’après-midi pour me reposer et me détendre. En fin de journée, je passe devant un écran de TV sur lequel était retransmis ma course du matin. C’est là que je me suis aperçu de manière assez furtive mais ce fut pour moi une évidence, du problème qui me gênait depuis le début !

Mon bras supérieur, celui qui bloque l’olive de la pagaie, était complétement fléchi lors de l’attaque et la prise d’eau. Cela avait pour conséquence de modifier l’angle d’entrée de la pale dans l’eau et de réduire la qualité de la transmission des efforts au bateau pour le propulser.

J’en parle avec Gérald Delacroix qui était notre entraîneur à cette époque. Il ne s’en était pas rendu compte mais, à sa décharge, le bassin de course était très loin de la berge où pouvaient accéder les entraîneurs, pas moyen de suivre correctement les courses. Et nous n’avions pas de système de collecte d’images à disposition. C’est aussi pour cela qu’on dispose de si peu de photos de courses.

 

La finale du 500.

Le jour de la finale arriva vite. J’avais corrigé ma gestuelle. J’effectue donc mon premier échauffement tôt le matin, dès mon arrivée au bassin, dans un épais brouillard et je m’égare dans les balisages de course. J’ai mis un certain temps à me réorienter avec en prime une bonne dose de stress. Pas idéal juste avant la course…

Philippe Renaud en course. — Coll. Renaud

Le start est donné… Je passe 7e à mi-course donc au 250 mètres. Les écarts sont réduits et il est difficile de se situer dans le feu de l’action. Bref, je vois qu’il faut tout donner. Je constaterai a posteriori que mon finish aura été redoutable car je réalise le meilleur chrono du dernier 250 mètres de tous les finalistes.

Ce ne fut pourtant pas suffisant pour rattraper les 3 premiers et accéder au podium. Je fini 4e et il me manquera seulement 1 dixième de seconde pour dépasser d’une étrave le Roumain Costica Olaru champion du monde en titre en 1983 et lui prendre la 3e place. Déception bien sûr mais la performance était presque inespérée au vu des jours précédents. Mon chrono passe sous la barre des 2 minutes. La revanche olympique sera à prendre dans quatre ans.

 

Au plan matériel. Je naviguais en Delta comme tout le monde. Pour la petite histoire, sachez que je bricolais déjà pas mal mes pagaies. Avec mon frère Éric, nous étions les premiers et les seuls à concourir avec des pagaies que j’avais équipé d’un manche carbone. Il nous avait semblé qu’économiser 200 à 300 grammes à chaque coup de pagaie serait un gain appréciable pour la performance.

 

Le village olympique.

L’hébergement du village olympique se faisait à l’université de Santa Barbara. Celle-ci était installée sur la falaise au-dessus du Pacifique juste à l’extrémité de la plage. Bien que distant d’1h30 du lac Casitas (lieu de la compétition), le site était exceptionnel.

Le trajet entre l’université de Santa Barbara et le lac se faisait dans de gros bus à six roues de type Greyhound, sur le parcours, toutes les intersections et les feux étaient bloqués et sécurisés par la police, cela permettait au bus de ne jamais marquer d’arrêt.

Le bassin balisé du Lac Casitas. — Photo JP. Cézard

D’où la nécessité de savoir s’adapter aux conditions.

Sur le lac où était installé le balisage, les courses commençaient tôt, car un vent thermique important, balayait violemment le bassin dès la fin de la matinée. Les premières épreuves commençaient vers 7H30. Il fallait être sur place au moins 1H30 avant. Pour ma part, cela m’obligeait à me coucher à 19 ou 20 heures chaque veille de course ; ce qui n’était pas du tout évident, ma fenêtre de chambre au RDC donnant directement sur la place principale du village. Nombreux étaient ceux qui s’y retrouvaient pour se rencontrer, échanger ou pour assister aux animations proposées. Chaque matin de course, je devais donc me lever à 5 heures soit environ 3h30 avant ma course, afin de déjeuner, effectuer le trajet jusqu’au lac, digérer et faire mes échauffements en deux temps avant la course.

 

L’APRÈS-COURSES

Le lendemain du dernier jour de course nous sommes parti à Los Angeles à l’université UCLA où se trouvait le village olympique principal afin de pouvoir participer à la cérémonie de clôture. Nous avions été privés de cérémonie d’ouverture puisque notre stage terminal s’est effectué en France à ce moment-là. Bref, malgré l’attente et le temps de préparation avant l’accès dans le stade, ça a vraiment été un moment fantastique.

Le Coliseum, stade olympique historique. — Photo JP. Cézard

Avant la sortie du tunnel d’accès au stade, j’avais l’impression que nous étions comme dans une fourmilière au fond d’un chaudron. Puis, l’entrée dans le gigantesque et historique stade olympique du Coliseum, avec les acclamations de la foule et l’énergie contagieuse des Californiens présents, a été une expérience incroyable. La cérémonie de clôture prévoyait initialement que les athlètes quittent le stade après la présentation des délégations et le tour d’honneur, mais devant la détermination des participants à ne pas vouloir quitter la célébration, les organisateurs ont finalement permis à tous de rester. L’organisation par délégations a explosé pour me faire qu’un seul immense groupe de sportifs et de sportives olympiques. Ça a été unique !

J’ai pu assister au feu d’artifice qui a duré plus d’une demi-heure, en étant complètement allongé sur la pelouse du stade. J’ai écouté la chanson de Lionel Richie, juste au pied de l’estrade où il chantait… Ce fut un moment MAGIQUE !!!

 

UN PEU DE TOURISME POUR FINIR

Les Jeux terminés, nous sommes restés deux semaines à faire du tourisme avec mon frère Éric. Lui avait remporté le bronze en C2 1 000 m avec son équipier Didier Hoyer et terminé 4e à 1 petit centième du podium sur le C2 500 m. Presque double-médaillés en canoë, ça aurait été un exploit inégalé ajouté à la double médaille de Bernard Bregeon chez nos kayakistes.

Didier Hoyer et Éric Renaud en série du C2 1 000 m. En finale, ils accrocheront une médaille de bronze. — Photo AFP
Didier Hoyer et Éric Renaud à l’entraînement. Jouer dans les vagues c’est bon pour l’équilibre. — Photo FFCK

Ensemble nous avons parcouru toute la côte californienne : San Francisco, santa Cruz, Los Angeles, Long Beach, San Diego, Tijuana au Mexique mais aussi la Vallée de la mort, Yosemite National Park…

Notre retour en France a été très agréable et plus confortable car l’équipage d’air France nous avait surclassés en première et installés dans la bulle supérieure d’un 747 qui est une sorte de petit salon. Cet équipage a voulu célébrer nos performances de cette manière. Il nous a aussi accompagnés lors de l’apéro au champagne. Cela contrastait étonnamment avec le vol aller très spécial où une moitié du 747 était remplie par une partie de la délégation française et l’autre partie par les chevaux qui concouraient aux Jeux.

 

Philippe Renaud (mars 2024)

Témoignage recueilli par Jean-Paul Cézard

 

Les témoignages n’engagent que leurs auteurs.

 

Revenir aux témoignages